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Mots de nuit et jour
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10 juin 2015

Départ (1)

Départ



Arrachée à son âme sœur par la raison, son retour à Paris fut comme elle s'y attendait. Elle retrouva son appartement identique à son souvenir, une pile de courrier supplémentaire sur le comptoir de la cuisine. Son entretien avec sa hiérarchie était pour le lendemain matin, avec le décalage horaire, elle disposa de plusieurs réveils dans la chambre jusqu'à la bibliothèque pour être certaine qu'elle se lèverait à l'heure pour se préparer. Cette convocation n'avait rien d'habituel, son estomac se serrait à chaque fois qu'elle imaginait ce qu'il allait s'y dire.

A 7h le premier réveil se mit à sonner, puis cinq minutes plus tard un autre. C'est enfin quand la radio de la chaîne hi-fi du salon hurla une des chansons qu'elle détestait qu'elle sortit de sous la couette. Elle ne voulait pas affronter ça après son séjour mouvementé avec Aidan. Lui aussi attendait de connaître le dénouement de ce rendez-vous. L'accueil par ses collègues fut habituel comme si les quatre semaines d'absence n'avaient eu lieu. Son chef de service, le directeur des ressources humaines, le directeur du site et un représentant syndical se trouvaient déjà installés dans la salle de réunion. Le début de l'entretien fut consacré à son historique dans l'entreprise et le résumé de ses précédentes évaluation annuelles. Durant les sept années qui s'étaient écoulées, il n'y avait jamais eu de point négatif émis dans les rapports officiels et officieux. La jeune employée écoutait studieusement les quatre hommes parler d'elle , relevant son implication dans la société, son dynamisme, son évolution rapide dans les différents postes qu'elle avait occupés. Hélène reprenait confiance en elle, peut être qu'ils voulaient encore la faire monter en grade, après tout elle était un élément fort de par son expérience et ses qualités humaines. Alors quand son chef de service sortit une pile de papier, elle comprit que ce n'était pas pour lui faire grimper les échelons. Peu de temps après son départ en vacances, des plaintes étaient arrivées à la plate-forme téléphonique et des assurés étaient venus en personne à l'accueil pour rencontrer son supérieur. Après enquête, il s'avère que des erreurs grave sont apparues dans les dossiers concernés, ceux traités fin juin. Les conversations qu'Hélène avait eu avec les assurés furent retranscrites. Chaque dossier lui fut présenté ainsi que les corrections apportée par ces collègues. Tout était écrit noir sur blanc. Elle n'avait plus qu'à reconnaître les faits et accepter la sentence. Soit elle déposait sa démission, soit elle était rétrogradée avec six mois de gel de salaire et mutation. Sa réponse étant à donner avant la fin de semaine et qu'en attendant elle était suspendu de ses fonctions. Ils se quittèrent sur cette dernière information. Elle traversa l'open space où se trouvait son bureau afin de prendre les escaliers que personne n'emprunter. Jusque là elle avait fait des efforts surhumains pour rester naturelle, regarder le comité dans les yeux, garder une voix posée. Dans la cage d'escalier, elle monta jusqu'à l'avant dernier étage où se trouvaient les salles techniques de chaufferies et des ascenseurs. Ses nerfs lâchèrent, elle se mit à hurler de fureur, le bruit des machines couvrant les cris et les coups qu'elle portait aux murs de béton. Faire des erreurs c'était sa hantise. Son travail si sérieux et exigeant demandait le maximum de rigueur, de self control lors des communications téléphoniques notamment. Elle se souvenait à peine des dossiers et des conversations qu'on venait de lui présenter. Pour une fois dans sa vie professionnelle, elle avait laissé entrer ses problèmes personnels et son travail en avait grandement pâti, sans parler des conséquences désastreuses qui auraient pu s'abattre sur les assurés, des gens qui souffraient déjà d'une précarité financière dût aux problèmes de santé qui pour la plupart les empêchaient de retrouver un travail.

Elle reprit son calme quand ses mains furent trop douloureuses à force de se déchaîner sur les murs. Elle aurait voulu rester là dans le noir avec la chaleur étouffantes des monstres de métal. Elle toucha le bijoux à sa poitrine. Il l'avait rendue plus forte, continuant l’œuvre bienfaisante de Joëlle. Elle avait réussi une fois à changer de vie radicalement, elle n'était plus cet enfant apeurée par la vie d'adulte, qui avait vidé sa petite chambre pour emménager avec sa vieille amie. Hélène se demanda ce que Joëlle lui aurait dit si elle avait toujours été de ce monde. Elle entendait encore le timbre de sa voix grave et assurée. Elle lui aurait demandé si elle était heureuse et ce qui la rendait ainsi. Aidan, c'était l'évidence même. Outre sa beauté, c'était sa personne qui la rendait heureuse, son regard sur elle, ses attentions, son soutien permanent. Maintenant qu'elle l'avait dans sa vie moins de choses lui faisaient peur, elle ne se sentait à l’abri que dans ses bras. A cette pensée, elle se reprit. L'amour envers un homme n'était pas une finalité ni son but dans la vie. Son indépendance c'était ça l'important, elle ne voulait pas être comme ces femmes qui ne vivent qu'à travers leur mari, leurs enfants. À tenir la maison toute la journée, voir leur personnalité, leur identité disparaître au fur et à mesure. Ça serait si facile pourtant, suivre le mouvement que les autres avaient choisi pour elle. C'est ce que sa hiérarchie était en train de faire. Partir ou subir, deux possibilités pour une vie à venir. Laquelle méritait d'être vécue?

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