Le dîner (6)

Elle déverrouilla la porte et l'ouvrit si brutalement après avoir entendu ces mots, que leurs visages se touchaient presque. Leurs souffles chauds aromatisés au vin faisant bougé leurs mèches qui tombaient sur chacun de leur visage. « Léna?! Mais que fais-tu ici? Tu n'es pas à l’hôtel avec les autres? » Il lui coupa la parole, en levant sa main pour dégager la mèche de cheveux qui collait à sa lèvre supérieur.

Ce geste si intime la tétanisa instantanément. « Dean, lost your cellphone » répondit-il.

Les secondes s’écoulèrent sans que l'un et l'autre ne bougent.

Elle, comprenant que le téléphone qu'elle tenait était à Dean et que la femme en photo était sûrement la fille dont le nom avait été évoqué dans la soirée.

Elle se sentit si bête d'avoir été jalouse d'une femme qu'elle n'avait jamais rencontrée, qu'elle n'osait bouger de peur de trahir par ses gestes ce qu'elle avait en tête. Et lui attendait qu'elle le fasse entrer. Comme la porte ne s'ouvrit pas plus grand que la largeur de leur visage, il la poussa doucement jusqu'à pouvoir rentrer dans l'appartement et la referma derrière lui.

Tout en se dirigeant vers le salon, il jeta un œil sur les meubles pour chercher le téléphone qu'il devait récupérer pour son meilleur ami et collègue.

En souriant, il se tourna vers elle et lui dit qu'ils avaient tous été enchanter par cette soirée, que c'était la première fois qu'il recevait une telle invitation et surtout qu'il était content d'avoir pu convaincre les autres de venir avec lui. Seul il ne serait pas venu, trop timide, sous ses airs décontractés et joueur.

Elle ne comprit juste que le début de sa diatribe, les remerciements.

Il s'approcha d'elle tout d'un coup en pointant du doigt l'objet rectangulaire qu'elle tenait sans même s'en rendre compte. Il lui prit des mains, tout en parlant, tout était flou.

Aidan avait beau lui sourire, lui parler avec enthousiasme, elle était déconnectée d'elle-même.

Il était plus d'une heure du matin, elle était épuisée tout simplement, heureuse mais vidée de toute énergie, alors tenter de traduire encore de l'anglais, c'était impossible.

Ne la voyant pas réagir à ce qu'il lui disait, Aidan pris soudain peur, il l'accompagna jusqu'au canapé où ils s'assirent.

La table basse était encore jonchée de leurs restes de repas. Tous les verres étaient poisseux, il alla donc dans la cuisine lui servir un verre d'eau. Le liquide frais, bu à petites gorgées, lui fit reprendre ses esprits, il en fut soulagé.

Ils restèrent ensemble assis côte à côte durant prés d'une demi heure, sans dire un mot comme à leur arrivée en début de soirée, mais cette fois c'est elle qui l'observait et lui qui rêvasser en jugeant le salon, qu'il avait contribué à mettre dans cet état.

Il prit l'initiative de faire du rangement, car autant il aimait vivre dans le fouillis, autant la vaisselle sale et le reste de nourriture trainant, il ne pouvait pas le supporter. Elle lui dit de laisser tout ça, qu'elle s'en chargerait demain mais il lui répondit tout en souriant qu'il s'en chargeait.

Elle ne lutta pas, le laissa faire. Il sifflotait un des airs du film, qui eu pour effet d'endormir Hélène.

Assise sur le canapé, la tête penchée avec un léger ronflement, il la laissa dormir le temps pour lui de finir le ménage.

A presque 3h, elle fût secouée par une main, se demandant qui faisait ça, elle ouvrit un oeil, puis le second en reconnaissant le visage devant elle. Elle cligna des yeux et secoua la tête. C'était un rêve, c'était obligé, à trop y penser, elle en perdait la tête.

Oh, mais un instant. Non, elle se souvenait maintenant de son attente devant le grand magasin après avoir fait la queue durant des heures, leurs danses et les éclats de rire avec les autres acteurs.

Il lui dit d'aller dormir dans son lit, qu'il prendrait le canapé pour le restant de la nuit.

Elle y alla sans discuter et se rendormit aussi vite, d'un sommeil de plomb.

A 6h son réveil sonna, comme à son habitude à la seconde sonnerie, elle tapa sur le bouton pour refaire biper 10 minutes plus tard. Mais elle fût de nouveau réveillée avant même le bruit strident du radio réveil, par un doux baiser sur son front et sentit ses mèches emmêlés s'écarter par des doigts d'une grande tendresse.

Elle poussa un soupir de contentement.

Quand elle entendit rire, elle le vit au dessus d'elle. Même dans la pénombre, elle devina son regard bienveillant sur elle. Elle se redressa pour mieux le voir. Il la remercia pour le téléphone et le prêt du canapé, puis lui dit au revoir. Elle n'eut pas le temps de se lever, qu'il fermait la porte d'entrée.